Petites notes rouennaises

11 octobre 2004

Pour me rendre à la gare de Rouen, d'où je prendrai un train pour Paris, je décide de faire un petit détour.

Je vais prendre la route du lycée.

Ça représente environ 25 minutes de marche.

Je me souviens des théorèmes de math que je me récitais mentalement, la matin, sur le chemin du lycée.

Math, c'était souvent le premier cours de la journée.

En fumant une cigarette.

Mais la cigarette dissipait vite les théorèmes de math.

Arrivé à ce croisement, j'accélerais ou ralentissais le pas, selon que j'étais en retard ou en avance.

Je ne suis pas vraiment nostalgique du lycée.
Je n'aimerais pas avoir à repasser le bac.
Mes cours du soir au CNAM me rappellent assez combien les profs et les examens sont pénibles.
Je n'aimerais pas non plus me retrouver dépendant de mes parents, ni devoir vivre à nouveau avec eux sous le même toît.
Ni ignorer ce que je sais aujourd'hui, des hommes et de ce qu'ils deviennent rapidemment.

Mais il y a quelque chose qui me manque un peu, de cette époque.
Peut-être que j'aime le fait que les lycéens ne sont pas encore en couple, qu'ils forment au plus des unions éphémères, aléatoires, qu'ils n'ont pas d'enfant, pas de métier stable, pas de responsabilité, pas de reconnaissance sociale, qu'ils sont juste là à titre individuel, à titre personnel, dans un entre-deux, tel qu'on est lorsqu'on se retrouve tout seul.

Et en tas. On a 17 ans, on est parqué en tas, de trente, quarante élèves.
On lie plus ou moins connaissance, en fonction de vagues affinités.
On laisse les adultes dans leur monde, leur monde d'incompréhensibles nécessités.
Je n'aime pas les adultes, je n'arrive vraiment pas à m'y faire.

Je croise un lycéen qui sourit en marchant.
Il a une tête de norvégien.
Il fait certainement partie de la section traditionnelle des norvégiens du lycée Corneille.

Mais le temps passe, je dois prendre le chemin de la gare maintenant.

La gare de Rouen.

Et une heure et demie plus tard, je suis de retour à Paris.