wimbledon

En janvier 1981, nous passons quelques jours chez une amie de ma mère, Virginia, qui habite à Wimbledon, la célèbre banlieue de Londres.
Je suis drôlement content que mes parents m'emmènent avec eux en Angleterre.

Ce ferry du Havre à Southampton, ces voitures qui roulent à gauche, ces milliers de petites maisons en brique, toutes pareilles, et cette langue incompréhensible, que de découvertes étonnantes !

Ce sont les fêtes de fin d'année : Virginia et son petit ami Jonathan m'offrent un circuit ferroviaire Hornby, avec rails, locomotive, wagons et commande électrique.

Je n'arrive pas à y croire qu'on me l'offre vraiment, ce train miniature, tellement c'est trop beau comme cadeau.

Je ne m'en séparerai jamais !

Avec leur chien Doogle, nous nous promenons dans Wimbledon Park, où se répercutent les échos lointains du galop des chevaux, courant sur l'horizon d'immenses pelouses.

Nous allons à Londres aussi.
Nous marchons beaucoup.

Je me sens un peu seul.
Autour de moi, tout le monde parle anglais, et ce sentiment d'être soudain isolé, de mes parents comme de leurs amis, est un peu frustrant.

Virginia est gentille, mais elle caquette et rie beaucoup, en poussant des petits cris aigus et des exclamations exagérées, et ça me fait presque peur.
De temps à autre, on s'adresse à moi en anglais, tout le monde me regarde, et l'on me fait articuler des yes, des no et des please, sans que je comprenne vraiment de quoi il est question.

Quelque part, je sens que ma mère est dans son élément.

Elle semble à l'aise, volubile, très contente, je le vois, et ça c'est rassurant, d'une certaine façon.

Chez eux, les box des chevaux sont attenant à la maison, un peu comme en France le garage pour la voiture.

Lancaster Road, Wimbledon, 1981
Un matin, Virginia part en promenade sur sa monture.
Je la vois s'éloigner sur la route goudronnée, dans ce pays où tout est à l'envers, où chats et chiens semblent vivre en harmonie, ce pays plein d'odeurs de thé, de crottin de cheval et de cannelle, plein de sons et de mots incompréhensibles, d'où se dégage quelque chose de noble, de distingué et de majestueux, qui m'impressionne profondément.

La maison de Jonathan et Virginia en 2009.

N'espérez pas les y trouver : ils ont quitté les lieux depuis longtemps.