Le club des cinq
D'abord, le cercle – pourtant très hermétique – de notre famille accepte un nouveau membre en son sein. C'est un changement structurel et arithmétique notable. Nous ne sommes plus quatre, mais cinq.
L'arrivée de Zoé apporte également de la nouveauté, de la spontanéité et de la gaieté, à une époque alors assez sinistre et préoccupante pour
mes parents, comme pour moi.
Bon, j'avoue qu'elle augmente aussi l'agitation et le nombre de décibels produits à la maison. Aux cris, aux plaintes et aux injonctions de ma mère
s'ajoutent désormais les pleurnicheries de ma seconde sœur.
En plus, gâtée comme une petite dernière, elle possède autant de jouets qu'à nous deux réunis.
Par bien des aspects, Zoé lui ressemble d'ailleurs davantage qu'à maman. Comme lui, elle se révèle imperméable à toute notion d'ordre domestique,
et, comme lui, elle aime beaucoup dessiner (les talents artistiques qu'exprimera beaucoup plus tard la brillante étudiante des Beaux-Arts
sont déjà perceptibles dans son engouement pour le dessin).
« Mon chiffon ! »
L'épisode du bain est également une arlésienne quotidienne, vu que nous sommes dorénavant trois (moi et mes deux sœurs) à vouloir, comme des
vieux maniaques, faire nos ablutions à la tombée de la nuit.
Distraite par ses jouets pour le bain, et par son imagination sans limite, notre sœur est ainsi capable de rester assise plus d'une heure dans la baignoire refroidie.
Ma mère s'emporte :
« Bon, Zoé, range tes jouets et sors de la baignoire, il y a Baptiste et Sarah qui voudraient prendre leur bain ! »
« Laisse Gris-Gris tranquille. »
« Zoé, arrête de jouer avec ton rond de serviette, et finis ton assiette ! »
« Zoé, je ne veux pas que tu ailles dehors en chausson quand il pleut ! »
« Zoé ! Où est-ce que tu as mis l'éponge ? »
« Non, je ne sais pas où il est ton chiffon. »
« Tu t'es cognée ? Mais si tu faisais moins la folle, aussi ! »
« Zoé, je ne veux pas que tu fasses du trampoline sur ton lit avec Marion ! »
« Tu ouvres encore une bouteille de Coca ? Mais l'autre n'est même pas terminée ! Comment ça, l'autre elle n'a plus de goût ? »
« On ne dit pas ouais. On dit : s'il te plaît ma petite maman chérie. »
« Est-ce que tu as fait tes devoirs ? »
« J'en ai assez de retrouver des miettes de pain dans mon lit... Mais... ...Zoé ! ... Il y a un morceau de Babybel dans mon lit ! »
« Non, je ne sais pas où il est, Alex (son nounours). Tu l'as peut-être oublié dans la voiture tout à l'heure. »
« Zoé, je ne veux pas que tu ramènes des cloportes dans la maison. Il y en a déjà plein dans la jardinière. »
« Elle a encore oublié de tirer la chasse d'eau ? »
« Viens là que je te coiffe ! »
« Ah non, Zoé, tu mets ton manteau. Il neige, voyons. »
« Pourquoi tu ne veux pas mettre ce petit gilet ? Hein ? Mais il est très bien ce petit gilet ! »
« Qu'est-ce que c'est que ce bruit ? Zoé !! »
« Mais qu'est-ce qu'elle fabrique ?? »
(raclement d'un objet lourd sur le sol de sa chambre)
« Zoé ! »
« ZO-É !!! »
« Elle a encore mal refermé la bouteille de lait. »
« Tu pourrais dire merci. »
« Zoé, tu ne veux pas ranger tous tes jouets qui traînent ? »
« Il y a papa qui t'attend dans la voiture depuis dix minutes. »
« T'embêtes encore Opale ? »
« Zoé, tu as du feutre sur le menton. »
« Qu'est-ce que font tous ces cailloux dans la baignoire ? Et mes chaussures sur le lavabo ? »
« Zoé, lâche ça et mange proprement s'il te plaît. »