Le Canigou

Le Canigou
On l'aperçoit de presque partout.

On peut l'admirer depuis l'appartement, lorsqu'on est assis sur le canapé gris en mousse, et que l'on porte son regard vers la montagne...

Et même à la nuit tombée, lorsque les yeux se sont accoutumés à l'obscurité, on croit encore distinguer sa silhouette familière, tout là-haut, frôlée par les étoiles et d'étranges nuages....

C'est le Canigou.

Dans mes méditations d'enfant, celles qui m'accompagnaient au long des promenades que je faisais avec mon grand-père dans le massif, cette montagne restait un sommet ultime, absolu, une Babel de rocaille et de forêts, une sorte de Rome vertigineuse vers laquelle convergeaient tous les sentiers.

Petit déjeuner face à la montagne
Mais mon grand-père était déjà trop vieux pour tenter l'ascension, et il ne pouvait guère plus m'emmener que sur les proches sommets du village.

Il me fallut attendre d'être plus âgé, pour pouvoir envisager pareille aventure.

Je garde encore la carte du massif que mon grand-père m'a offerte un beau jour.
Une carte longuement étudiée, que j'emmenais en promenade, et qui me permettait de nommer rochers, ravins, sources et cimes que j'apercevais autour de moi.

J'étais avide de nouveaux lieux, de nouveaux chemins, de nouvelles routes, de nouveaux points de vue, et je voulais grimper toujours plus haut.

Casteil
Col Vert
Pic de la Penia
Panorama depuis la Pena
Ce massif montagneux m'a toujours fasciné et inquiété à la fois.
Je crois qu'il me subjugue par sa majesté, sa lumière, sa luxuriance, son mélange d'essences méditerranéennes et d'air des montagnes.
Il m'effraie parce qu'il est sauvage, abrupt, tortueux, labyrinthique, et que l'homme semble s'y perdre dans une complète impuissance.

Lorsque j'étais plus petit, dans mon lit, il m'arrivait de m'endormir en repensant aux lieux où je m'étais promené avec mon grand-père, je les imaginais plongés dans la nuit, et j'en frissonnais.

Au voisinage des Mattes Rouges
Dans les gorges du Cady
Plus tard, m'aventurer dans ces gorges en solitaire, marcher sur ces mauvais sentiers sans croiser âme qui vive, c'était me mettre un peu en danger, et en même temps, me prouver que je pouvais braver, seul, cette montagne.

J'aime aussi cette idée de s'enfoncer dans les ravins et les forêts, en sachant qu'au bout du chemin, on finit forcément par émerger quelque part.
Et puis j'aime le repos simple que procure la marche, cet effort régulier qui nous conduit à nous élever, progressivement, dans une nature aride et colorée à la fois, toujours belle, fidèle à elle même, malgré les années passant.

La randonnée chasse mes pensées. Et si je pense, alors c'est une méditation innocente, paisible comme un murmure.

Coucher de soleil sur le Canigou
L'ascension du Canigou, que je finis par réaliser l'été 1992, eut donc un grand retentissement en moi !

Quoique 2100 mètres de dénivelé et 40 kilomètres de marche en bermudas et baskets eussent quelque chose d'un peu insensé, je refis l'ascension plusieurs fois au cours des années suivantes, tantôt seul, tantôt accompagné de mon amie Laurence, jusqu'à ce que mes grands-parents ne vendent l'appartement de Vernet-les-Bains.