Le centre culturel Marc Sangnier

Le centre culturel Marc Sangnier de Mont-Saint-Aignan
Même lorsque je ne suis plus en âge de fréquenter sa garderie, le centre culturel Marc Sangnier de Mont-Saint-Aignan continue de m'accueillir au travers de ses activités pour enfants du mercredi après-midi : dessin, peinture, musique, poterie, ou jeux d'équipe (balle au prisonnier, béret... ) auxquels nous nous livrons sur l'esplanade qui fait face au centre, sous le regard des autres enfants du quartier, qui eux, libres, peuvent retourner à leur maison quand bon leur semble. Parfois, nous faisons une promenade autour du centre, en marchant comme un régiment en campagne, sous le regard vigilant d'un moniteur, entre les barres d'immeubles qui occupent le "plateau" de Mont-Saint-Aignan. La peinture et les promenades restent sans doute mes activités préférées. J'aime bien les jeux d'équipe aussi, si je suis d'humeur sociable ce jour-là. A ces jeux collectifs, la présence active du moniteur est importante, autrement, ça devient vite n'importe quoi et ce sont toujours les plus grands et les plus costauds qui finissent par imposer leur loi.
Vient l'heure de la distribution du goûter : des sachets de pain d'épices aux fruits qu'Odile, la monitrice principale, tire d'un grand carton. Une espèce d'orangeade nous est servie dans des gobelets en plastique.
Lorsque vers 18 heures maman surgit à l'entrée de la petite bibliothèque, où se terminent généralement ces après-midis pour enfants, je suis plongé dans la lecture d'une bande dessinée.
Nous allons ensuite ensemble récupérer ma sœur Sarah à la garderie, avant de nous rendre tous les trois place Colbert faire quelques courses. Avec un peu de chance, j'arrive à faire acheter à ma mère un magazine ou un petit jouet en plastique chez le marchand de journaux. Mais une pâtisserie chez le boulanger, ce n'est même pas la peine d'y songer : « Mais non, voyons, il est 6 heures, vous allez bientôt dîner ! »
Gna gna gna...

En pleine activité artistique
En fait, j'aime bien ces mercredi après-midi au centre Marc Sangnier, mais ils m'empêchent de voir certains de mes amis d'école primaire, comme mes voisins Patrick ou Antoine.
Ces après-midi avaient d'ailleurs assez mal commencé, puisqu'au cours d'une des premières séances à laquelle je participe, en 1980, nous assistons à un spectacle de marionnettes chinoises, dont l'apparition me cause une telle frayeur que je quitte la salle presque immédiatement, et qu'une monitrice doit déployer tous ses talents de pédagogue pour m'y ramener. Quand je vous dis que je suis impressionnable !

On sera ravi d'apprendre que c'est également au centre Marc Sangnier qu'on m'administre mes premiers rappels de vaccin, dans l'atmosphère froide et aseptisée de son centre d'action sociale, là où un médecin, toujours la même, me plante rageusement son horrible cuti dans le bras, sous la lumière grise et terne qui filtre des voilages aux fenêtres.

En 1981, les activités pour enfants sont délocalisées au Centre de Loisirs, à la lisière de la forêt Verte. Cette fois, je m'y rends accompagné de ma sœur Sarah, qui a grandi entretemps. On s'y fera des amis de circonstance, des gens dont j'oublierai rapidement les prénoms et les visages lorsque mon entrée au collège mettra un terme à ces activités hebdomadaires d'éveil et d'éducation populaire, à l'ombre du nom d'un homme dont j'ignorais alors tout, Marc Sangnier, démocrate chrétien et militant pacifiste du début du vingtième siècle... un nom pour le moins mystérieux, à mes oreilles de petit d'homme en tout cas : marque-sang-nié.