2001
Je me promène aussi avec Adrien, un petit gars tout simple, fraichement sorti du placard, qui n'aspire qu'à rencontrer son mister Right pour mener avec lui une vie de couple sans histoire.
Je me rends compte un peu trop tard que je préfère Adrien à Frederik.
Entretemps, Adrien s'est trouvé quelqu'un d'autre.
Les mélopées entêtantes de Kylie Minogue, ou du dernier groupe de French Touch à la mode – « Lady ! Hear me tonight... », « One more time » –
envahissent les dance floors et les terrasses du Marais. De nouvelles enseignes arborant le rainbow flag continuent d'ouvrir tout autour de la rue Saint-Croix-de-la-Bretonnerie.
En mars, Bertrand Delanoë est élu maire de Paris.
Sur Internet, les sites de rencontre font florès. J'épluche les petites annonces du portail LGBT "Yarps", je tape l'incruste sur les chats de "Voilà" ou de "Citégay", caché derrière des pseudonymes variés : "Babar", "Ohlesbeauxjours", "ClafoutisFromParis", "Søvnløshet"...
Madame rêve.
Madame rêve de Norvège et de ciels d'azur.
A défaut de rencontrer un beau viking aux yeux bleus, je conserve une bouteille d'Absolut Vodka dans le bac à glaçons de mon frigo top.
J'y vais avec Fabien, mon bon ami du moment.
Fabien fréquente le milieu LGBT, tendance Act Up. Grand et mince, il pratique la natation, et s'entraîne juste en face de chez lui, à la piscine Jean Taris.
Il aime la techno de Detroit, les sets de Patrick Vidal, et il tient même une petite chronique de ses soirées branchées (en écriture inclusive) qu'il envoie par email à ses amis.
Mais il n'a pas de téléphone portable, niet,
à cause des risques que cet appareil fait courir sur la vie privée, m'explique-t-il (quand on sait les évolutions technologiques qui suivront, on peut se dire qu'il n'a pas fini d'être inquiet).
En manque de fric, de soleil et de verdure, je me promène le dimanche dans les parcs parisiens.
Qu'est-ce que je me serai promené dans cette putain de ville !
C'est là qu'un jeune type, rencontré sur le net, me propose de développer un site web pour le compte d'organisateurs de soirées branchées (ils prévoient d'appeler leur truc « VIP Club », tout un programme). Je lui réalise donc son site Internet en PHP (travail pour lequel je ne serai, au passage, qu'à demi payé) (puisque j'ai décidé de tout vous dévoiler de mes problèmes d'argent), puis j'essaye de le draguer. Assez maladroitement, comme à mon habitude. D'autant que le type n'est pas du tout intéressé : il est claquemuré dans le souvenir de son ex, avec qui il a vécu plusieurs années à Londres. Ils s'appellent encore tous les soirs au téléphone, me confie-t-il en espérant que cette précision suffira à repousser mes avances. Il ne me connaît pas !
Nico, JC, Pierre : heureusement que mes amis sont là. Je leur dis tout, et ils savent tout de mes humeurs et de mes excentricités.
Eux-mêmes se cherchent, tentent l'aventure, hésitent à s'engager. Ce sont encore un peu des célibataires, ils savent ce que je vis.
The sun always shines on TV.
J'y arrive en avion, avec veste et cravate, comme un homme d'affaire. Je dors dans un hôtel Ibis, à la périphérie de la ville, entre une bretelle d'autoroute et un centre commercial. C'est assez déprimant.
Quelques jours plus tard, les attentats terroristes du 11 septembre horrifient le monde.