Le déménagement

En avril 1998, je suis descendu à l'appartement de Vernet pour la dernière fois.

Il était convenu que mes grands-parents me rejoignent une dizaine de jours plus tard, et que je les aide à déménager.

Je me sentais mélancolique, fatalement, mais j'essayais de me convaincre que cet événement devait finir par arriver, un jour ou l'autre – mes grands-parents devenant vieux – et qu'il y a plus important dans la vie qu'une résidence de vacances, après tout.

Une page se tournait, point.

Laurence et Véro sont descendues peu de temps après mon arrivée.

J'étais content de les voir débarquer !

Elles apportaient leur bonne humeur, leurs chaussures de marche, leurs cassettes pleines de musique, leur point de vue sur les choses, et leurs idées pour s'occuper – ce qui était plutôt intéressant, parce qu'il ne faisait pas très beau.

Et puis elles sont reparties trois jours plus tard, et je me suis retrouvé tout seul.

Soudain, j'ai eu très envie de rentrer moi aussi !

Enfin, un jour, une voiture grise s'est garée en bas de l'immeuble, et mes grands-parents ont envahi de nouveau leur appartement.

Je n'avais plus qu'une hâte, c'était que tout soit fini, emballé, déménagé par le transporteur qui devait passer une semaine plus tard. Mais mes aïeux traînaient les pieds, rechignaient à jeter ce qu'ils auraient dû jeter, tardaient à ranger toutes ces babioles qu'ils avaient accumulées des années durant, et semblaient résister très fort à l'idée de quitter ces lieux qu'ils connaissaient aussi bien que moi, et qu'ils aimaient autant.

Curieusement, bien qu'enfant j'aie passé de nombreux séjours avec eux, et que j'en aie gardé un souvenir si poétique, la présence de mes grands-parents maintenant m'insupportait.
Comme si j'avais fait mien l'appartement, à force d'y venir seul.

Juste avant de partir, nous avons pris le thé avec l'acquéreuse, une parente des voisins de palier. Une réunion chichiteuse, avec des petits biscuits, et plein de lieux communs.
Je n'en pouvais plus, j'étouffais, je voulais que tout soit fini.

Avant de monter dans la voiture, je visitai une dernière fois les chambres totalement vides, sans proportion, comme transfigurées.

Je dis au revoir à la maison blanche. Enfin, adieu, plutôt.

Sur la route vers Perpignan, mon grand-père se mit à conduire à toute allure, freinant au dernier moment dans les virages, doublant nerveusement.

Je prétextai un ami à voir à Toulouse, pour pouvoir quitter au plus vite ce tombeau ouvert. Mais sitôt déposé dans la ville rose, je pris le premier train pour Paris.

J'étais triste, mais qu'y pouvais-je ?