Vernet-les-Bains dans les années 70
Comment mes grands-parents, normands d'origine et sans attache particulière avec le Midi de la France, ont-ils pu arriver dans ce petit village des Pyrénées-Orientales ?
Ils logèrent d'abord à l'hôtel des Thermes, un établissement aujourd'hui disparu (et tenu par un couple dont j'entendis souvent parler par la suite : les Fitte). Puis ils louèrent une maisonnette près du Cady, à l'intersection de la rue du Temple et de la promenade Albiot. Ma mère, qui n'avait encore qu'une vingtaine d'années, les y accompagna parfois.

Vers 1970, ils firent l'acquisition d'un appartement dans un immeuble de standing récemment construit (appelé pompeusement le "Palais de Vernet-les-Bains"), à deux pas de la petite maison qu'ils avaient louée sur les bords du Cady. Un appartement confortable, l'un des plus grands de l'immeuble, et sans doute celui jouissant de la meilleure exposition.
Le tourisme était alors en plein essor à Vernet-les-Bains. Station thermale chic et courue au début du vingtième siècle, ce village avait été ravagé par une crue dantesque en 1940, qui avait détruit l'essentiel de ses infrastructures touristiques et thermales. Le contexte de la guerre n'aida évidemment pas la station à se remettre de cette catastrophe. Dans les années 50, on canalisa le torrent dans une sorte de grande tranchée, afin que l'épisode dramatique de la crue ne se reproduise pas. Puis, dans les années 60, on construisit des immeubles d'habitation, des hôtels modernes, tout confort, ainsi que des installations sportives, dont une piscine et deux cours de tennis. C'était le règne du béton et de l'automobile. C'était l'époque des premières grandes autoroutes françaises, qui allaient permettre de rejoindre sa résidence secondaire plus facilement. C'était l'optimisme des trente glorieuses. La traversée du pays en voiture serait l'occasion pour mes grands-parents de tester un restaurant, de visiter une église, de rendre visite à leur amie Madeleine, qui venait, elle aussi, d'acheter une maison de vacances dans le Lot.
Mes grands-parents, eux, avaient vieilli. Le voyage de Rouen à Vernet, plus de 1000 kilomètres de route, les fatiguait maintenant, et les
rebutait. Quant au reste de la famille (moi excepté), il ne semblait pas s'intéresser particulièrement au sort de cet appartement, enclavé
dans de lointaines Pyrénées.
Ce qui devait arriver arriva.