Vernet-les-Bains dans les années 70

Mamie, au début des années 70
Petite digression.

Comment mes grands-parents, normands d'origine et sans attache particulière avec le Midi de la France, ont-ils pu arriver dans ce petit village des Pyrénées-Orientales ?

Maman, devant la petite maison louée par ma grand-mère
C'est à ma tante Isabelle qu'ils doivent cette découverte, à la fin des années 60. On avait prescrit à Isabelle, à la santé fragile, les bienfaits d'une cure thermale, et la station de Vernet-les-Bains leur fut conseillée, je ne sais comment.

Ils logèrent d'abord à l'hôtel des Thermes, un établissement aujourd'hui disparu (et tenu par un couple dont j'entendis souvent parler par la suite : les Fitte). Puis ils louèrent une maisonnette près du Cady, à l'intersection de la rue du Temple et de la promenade Albiot. Ma mère, qui n'avait encore qu'une vingtaine d'années, les y accompagna parfois.

Maman, devant la petite maison louée par ma grand-mère
Mon grand-père, grand marcheur, apprécia certainement le massif du Canigou pour ses jolies randonnées, et ma grand-mère, qui aimait le soleil, pour le climat sec et lumineux de la région, tandis que l'environnement montagneux garantissait, la nuit, des températures agréables. La proximité de l'Espagne, où ils avaient beaucoup voyagé autrefois, les influença peut-être aussi.

Maman

Vers 1970, ils firent l'acquisition d'un appartement dans un immeuble de standing récemment construit (appelé pompeusement le "Palais de Vernet-les-Bains"), à deux pas de la petite maison qu'ils avaient louée sur les bords du Cady. Un appartement confortable, l'un des plus grands de l'immeuble, et sans doute celui jouissant de la meilleure exposition.

Mes grands-parents sur le balcon de l'appartement qu'ils viennent d'acheter
Tea time
Ma tante Isabelle

Le tourisme était alors en plein essor à Vernet-les-Bains. Station thermale chic et courue au début du vingtième siècle, ce village avait été ravagé par une crue dantesque en 1940, qui avait détruit l'essentiel de ses infrastructures touristiques et thermales. Le contexte de la guerre n'aida évidemment pas la station à se remettre de cette catastrophe. Dans les années 50, on canalisa le torrent dans une sorte de grande tranchée, afin que l'épisode dramatique de la crue ne se reproduise pas. Puis, dans les années 60, on construisit des immeubles d'habitation, des hôtels modernes, tout confort, ainsi que des installations sportives, dont une piscine et deux cours de tennis. C'était le règne du béton et de l'automobile. C'était l'époque des premières grandes autoroutes françaises, qui allaient permettre de rejoindre sa résidence secondaire plus facilement. C'était l'optimisme des trente glorieuses. La traversée du pays en voiture serait l'occasion pour mes grands-parents de tester un restaurant, de visiter une église, de rendre visite à leur amie Madeleine, qui venait, elle aussi, d'acheter une maison de vacances dans le Lot.

Mamie à la piscine (un événement dont je ne crois pas avoir été témoin une seule fois dans ma vie)
On aperçoit le mini-golf à l'arrière (il fut détruit en 1984 pour permettre l'agrandissement de la piscine)

Mais le développement du tourisme à Vernet-les-Bains, remarquable dans les années 80, qui vit la construction de nombreux petites maisons sur la rive gauche du torrent, et de plusieurs résidences de vacances fréquentées par des Anglais ou des Scandinaves, connut un coup d'arrêt vers le milieu des années 90, point de départ d'une désaffection croissante du village, dont témoignèrent ensuite la disparition progressive de nombreux commerces du centre-ville, et l'explosion du nombre d'appartements et de maisons à vendre.

Mes grands-parents, eux, avaient vieilli. Le voyage de Rouen à Vernet, plus de 1000 kilomètres de route, les fatiguait maintenant, et les rebutait. Quant au reste de la famille (moi excepté), il ne semblait pas s'intéresser particulièrement au sort de cet appartement, enclavé dans de lointaines Pyrénées.
Ce qui devait arriver arriva.