Automne 2007, feuilles mortes

L'automne a envahi les rues.

Je le vois bien, lorsque je pars travailler à vélo.

Les cartes postales défilent.

De quoi je me plains ?

Certains matins sont limpides et frais, d'une clartée argentée, d'une transparence vivifiante.

D'autres sont gris et pluvieux, et je dois à regret me confiner dans une rame de métro.

Hier soir, alors que je montais à la piscine Pailleron, j'ai remarqué qu'une acre fumée avait envahi la place du Colonel Fabien. Des silhouettes de pompiers et de policiers s'agitaient autour d'un pâté d'immeubles, dans le bruit angoissant des sirènes.
Encore un incendie, me suis-je dit.

Il y a des grèves de prévu, cette semaine.
Qu'importe, j'irai à vélo.

Le climat est lourd.
En France, dans le monde. On semble attendre quelque chose qui ne vient pas.
Est-ce le désert des Tartares, le rivage des Syrtes ?
Ou bien est-ce moi qui juge l'imposture actuelle trop insupportable pour qu'elle puisse durer ?

Cette nuit, j'ai rêvé que j'étais devenu vieux, très vieux. Mes parents étaient morts depuis longtemps, ainsi que mes sœurs. Ainsi que mes amis, les derniers qui me fussent restés.
Ainsi que tous les chats qui m'avaient accompagné.
C'était une solitude totale, plus une personne au monde ne me connaissait, ne connaissait même mon nom, et je ne connaissais plus personne.
Et je voyais la ville de Rouen, depuis la fenêtre de ma chambre d'enfance, comme si je vivais encore dans la maison de mes parents, comme si j'y étais retourné vivre.
Cette vision si tendrement nostalgique, si doucement familière, maintenant que j'avais atteint la solitude la plus absolue, maintenant que l'univers entier m'était étranger et dépeuplé, pour toujours, maintenant que je n'avais plus rien à attendre du destin sinon une mort prochaine, me semblait abominable.
C'était comme la chute d'une mauvaise blague.

Je suis gai en ce moment.