Été 2007, horizons et reliefs

Je veux dire par là qu'après plusieurs mois d'une existence plate jusqu'à l'angoisse, d'un quotidien morne et atone, d'une vie sans espoir, sans saveur, sans désir, d'une vie sans vie en somme, quelques nouvelles perspectives s'offrent à moi.

Du relief.

Ça a fichu un choc à Marteen, mais elle qui crânait d'aller bosser dans le sixième arrondissement, doit maintenant vivre en sachant que je travaille dans le cinquième.
Plus haut qu'elle, plus chic qu'elle.
Sur la montagne Sainte-Geneviève, na.

Car j'ai retrouvé du travail dans un hôpital de la rue d'Ulm.

A propos de Marteen, les voilà enfin installés aux Lilas, avec la Nicole.
Moins stressés par leurs travaux, leurs parquets, leurs plaques de BA13 et leur marbre, ils sont redevenus aussi moins désagréables.
L'amie américaine, la David, mi-Christ, mi-Statue de la Liberté, a ainsi pu bénéficier de leur chambre d'ami – un élégant caveau ménagé dans une cave, baptisé Treblinka.

En tout cas, ça se passe plutôt bien, dans mon hôpital, et la possibilité d'écrire un mémoire sur ma nouvelle activité professionnelle me laisse entrevoir une soutenance de mon mémoire d'ingénieur au cours de l'année 2008.

La fin de la période Arts et Métiers se profilerait donc à l'horizon.

Du coup, j'ai aussi moins de temps pour me promener.

Mais bon, vu que je promenais des idées noires...

Le vacarme de l'élection présidentielle est derrière nous. La pilule a été dure à avaler.
Maintenant, il n'est plus question que de petits sous et de gros sous, d'allégements fiscaux, de réformes, de crédits d'impôt, de réduction des dépenses publiques, avec en bruit de fond ce slogan politique ridicule, tellement martelé et caricatural, qu'il en est devenu une blague : travailler plus pour gagner plus.

Mais laissons là ces vanités, et souhaitons lui d'aller au diable.

Donc, des reliefs.

En juin, j'en ai vu de beaux avec S., puisque nous sommes descendus ensemble dans les Pyrénées-Orientales, dans le fief de nos vacances d'enfance.

A la piscine, on croise toujours de drôles de gens.

Au Cortal, ma soeur renverse de l'eau partout.
Joli coucher de soleil ensuite.

Je "fais" mon Canigou, dont les pentes majestueuses sont plongées cette année dans des éclairages fantômatiques et irréels, un peu comme dans des cauchemars.

Au sommet, il y a une espèce d'Haroun Tazieff, qui pique-nique avec son neveu.

La croix de fer forgé est recouverte de fagots, en prévision du traditionnel feu de la Saint-Jean, qui aura lieu dans quelques jours.

Car à la Saint-Jean, la coutume veut que des porteurs descendent du Canigou en emportant avec eux un morceau de la flamme sacrée, pour allumer les bûchers et ouvrir les festivités des villages de Catalogne.

Jour de marché à Vernet.

Je m'achète des framboises.

J'ai déjà établi mon programme de randonnées pour l'année prochaine.

Nous vivons de soleil, de produits régionaux, de paix, de visites félines, un peu collantes des fois.

Plus tard, je serai dans un train qui traverse les terres du Lauragais à vive allure.

Les platanes de Narbonne tendent leurs ramages éclatants vers le ciel.

A Toulouse, un mec me tend les bras pour plaisanter.

A Toulouse.

De toute façon, on me tend toujours les bras pour plaisanter.

A Rouen, Gris-gris dort à poings fermés sous l'un des mirabelliers ; ma mère, les yeux encore ensommeillés, s'avance dans le jardin ; il se lève pour la saluer.

A propos de chat... j'en ai adopté un, après des années d'hésitation.
Un chaton noir de Seine-et-Marne.

C'est avec culpabilité que je l'ai arraché à sa mère, à sa soeur, à son jardin plein d'herbes folles.

Mon bac à litière, où ont poussé d'attendrissants petits champignons durant mon absence, abreuvés de l'eau qui gouttait du radiateur sous lequel il était rangé, va maintenant pouvoir servir utilement.